Mesures Géodésiques

Télémétrie Laser

Les objectifs scientifiques de la télémétrie laser sont très nombreux. C’est une pierre angulaire pour de nombreux thèmes, comme le champ de gravité terrestre à grande longueur d’onde (y compris ses variations temporelles), les systèmes de références terrestres & spatiaux, pour l’étude du niveau des océans et des glaciers, la tectonique des plaques, l’étalonnage d’instruments spatiaux, la physique fondamentale et également la sélénophysique ou la physique planétaire.

L’équipe Astrogéo du laboratoire Géoazur poursuit et développe cette activité ; d’une part en participant à l’effort d’observations et à travers leur assimilation dans des grands modèles de Terre (champ de gravité et repère de référence terrestre), et d’autre part en recherche et développement sur les métrologies optiques. Le projet T2000 (2005-2008) a permis d’effectuer une profonde rénovation des équipements Laser, avec de nouveaux objectifs à la fois scientifiques et technologiques.
En outre, une structure inter-départementale de recherche, fondée en 2005 et nommée Iliade , est axée sur une coopération de savoir-faire sur les liens optiques (Métrologie des longueurs) entre notre UMR et ARTEMIS.

Principe de la mesure

La Télémétrie Laser est une technique de mesure des distances séparant un observateur au sol et un réflecteur laser placé sur un satellite artificiel ou sur la Lune. Une station de télémétrie comprend un laser de forte puissance, qui envoie un faisceau vers le réflecteur, un télescope chargé de recueillir la lumière réfléchie et un système de datation donnant le temps aller-retour de la lumière.
L’avantage de la Télémétrie Laser se situe dans la simplicité du concept de la mesure (mesure du temps de trajet d’une impulsion lumineuse) et dans son exactitude.
Elle utilise des rétro-réflecteurs , d’un coût modeste, qui sont placés à bord des satellites ou encore, dans le cas de la Lune, qui ont été déposés par les missions Apollo et Luna entre 1969 et 1973.
En revanche, la technique est tributaire de la météorologie et de la nécessité d’un personnel spécialisé pour la mettre en oeuvre au sol. La situation est un peu opposée à celle des techniques radio-électriques comme GPS ou DORIS, qui sont de type tous temps, très faciles d’utilisation sur le terrain et dont le coût très important est essentiellement dans la technologie embarquée à bord du ou des satellites (cas d’une constellation).
Le traitement des données laser satellite amène bien souvent à déterminer un biais d’étalonnage pour chaque instrument (station laserau sol) et, éventuellement, pour chaque type de satellite. Nous avons mis au point, dans le cadre de l’utilisation des données de télémétrie sur les satellites géodésiques LAGEOS (-1 et -2) pour le calcul du repère de référence terrestre international, une méthode qui permet de déterminer les coordonnées des stations et le biais de son instrument, en même temps que les paramètres du mouvement du pôle.
L’apport des données de Télémétrie LASER acquises ces dernières années sur les satellites laser (Géodésiques) Starlette, Stella, Ajisai, LAGEOS et LAGEOS-2 a été essentiel dans l’amélioration durepère de référence terrestre international (ITRF), ainsi que celle du modèle de champ de gravité de la Terre à grandes longueurs d’onde. La connaissance du champ de gravité global et de ses variations temporelles est fondamentale pour l’orbitographie et, en conséquence, pour le positionnement et l’altimétrie satellitaire.

Les cibles de la télémétrie laser

La télémétrie laser (en particulier les équipements du plateau de Calern, OCA ) a été et est toujours appliquée à la dynamique spatiale (trajectographie des satellites artificiels et ses applications scientifiques) et à l’étude du système Terre-Lune. Voir ses aspects technologiques.

Nous distinguons donc plusieurs types de cibles :

  • les satellites d’Observation de la Terre, dont (exemples et sites web):
    • LAGEOS (à 6000 km d’altitude) et les GNSS (GPS, GALILEO, GLONASS, éqipés de réflecteurs laser à bord) pour le postionnement : estimation des coordonnées des stations du repère de référence et des paramètres de la cinématique terrestre.
    • Jason-1 et -2, EnviSAT, etc., satellites d’océanographie spatiale portant un système de mesure d’altimétie radar à bord.
Station laser fixe de l’OCA (plateau de Calern)
  • la Lune : les données laser Lune obtenues en télémétrant les réflecteurs déposés sur la Lune (dans les années 70 au cours des mission Apollo, notamment) depuis la station laser de Grasse ont permis et permettent encore des avancées importantes en mécanique céleste (paramètres orbitaux de la Lune et par l’étude des perturbations gravitationnelles ceux d’autres planètes), sur la géodynamique du système Terre-Lune, en physique fondamentale.
  • les cibles lointaines (satellites de la Lune, débris spatiaux non coopératifs, sondes planétaires) : dont actuellement le satellite LRO autour de la Lune.

Il y a en France, à l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA), deux stations de télémétrie laser, l’une mobile (dite FTLRS en anglais, pour French Transportable Laser Ranging System) pour réaliser des mesures dans des lieux particuliers et participer à des campagnes de mesures dédiées, l’autre fixe ( MeO, pour Métrologie optique) pour l’observation régulière des satellites et de la Lune.

Des travaux de rénovation ont été entrepris entre 2005 et 2008, au plateau de Calern (OCA) afin de moderniser les équipements. Ce projet (appelé T2000), soutenu par le CNES, l’INSU, la Région PACA et l’OCA, a notamment permis un profond ramienement des laboratoires dont pour accueillir la station laser mobile et pour rénover l’opto-mécanique du télescope de 154cm (Meo, Laser Lune).

En outre, la télémétrie laser sert de lien fondamental dans l’expérience spatiale de transfert de temps T2L2 (à bord de Jason2).

Laser Lune

Laser Lune (station fixe MeO de l’OCA)

La station Laser Lune de l’OCA a pour but technique d’obtenir des distances d’un point fixe de la Terre (croisée des deux axes de rotation du télescope MéO) aux cinq points de la Lune où ont été déposés des réflecteurs (missions américaines Apollo XI, XIV et XV), et les sondes soviétiques Lunakhod 17 et 21.

Objectifs scientifiques de la station Laser-Lune

Ils concernent :

  • les tests des théories de la Gravitation: Les modèles du mouvement de la lune dans le cadre relativiste permettent d’inclure dans les ajustements les paramètres PPN γ , β . De plus, la violation du Principe d’Équivalence fort peut être étudiée sur l’amplitude du terme de période égale au mois lunaire. Notons que pour β et δ , le laser Lune est la meilleure technique disponible.
  • la sélénodésie: forme de la Lune, libration, effets de marées. Cela a été une des premières applications des mesures du laser Lune.
  • la mécanique céleste: théorie des mouvements de la Lune. Laboratoire idéal pour les tests des théories les plus élaborées, la précision étant encore un défi aux théories analytiques ou semi-analytiques. Il y a des travaux dans le domaine des librations et l’interprétation des librations libres. La précision des observations implique une modélisation relativiste poussée du mouvement de la Lune.
  • les systèmes de références: terrestre et céleste : Le laser Lune permet, grâce à l’observation d’un corps du système solaire et d’une théorie du mouvement, de rattacher les deux systèmes de référence fondamentaux, système dynamique et système céleste. A côté de cet aspect pratique, sur un plan plus fondamental, c’est en fait un test du principe de Mach qui est effectué.
  • la rotation de la Terre: les mesures permettent la détermination du Temps Universel en temps réel. Le rôle du laser Lune dans ce domaine a bien diminué avec le manque de station, l’accès au VLBI et bien entendu le développement et le succès des systèmes GPS (américain) et DORIS (système de radio-positionnement du CNES et de l’IGN). Les paramètres de rotation de la Terre fournissent des contraintes fortes aux modèles de l’intérieur de la Terre.
  • la précession et la nutation: Il s’agit de l’exploitation de longues séries d’observations qui, combinées avec celles faites en interférométrie à longue base (VLBI), donnent accès au mouvement de la Terre dans l’espace et donc aux constantes fondamentales de la précession et de la nutation.

Parmi les grands moyens au sol dans le domaine de la Gravitation Expérimentale, la station laser-Lune du Plateau de Calern occupe une place enviable, en raison de la qualité et la régularité des mesures qui y sont faites. La confrontation des mesures à des modèles théoriques permet d’estimer des effets physiques très fins en particulier ceux concernant les théories de la Gravitation.
La station laser Lune sert de support technique à d’autres expériences telles que :

  • observations des satellites lointains tels LAGEOS (à 6000 Km) et ETALON (à 19000 Km) pour les satellites géodésiques, et GPS et GLONASS pour ceux liés à la navigation. Ces observations notamment sur LAGEOS permettent également d’effectuer un co-positionnement entre les stations laser-Lune et laser-satellites (actuellement en cours de démantèlement) ; le tout sert de point de référence au repère terrestre de référence international.
  • mesures de diamètre d’étoiles qui sont occultées par la lune (ex expérience TELOC)
  • observations des Miras, suspectées doubles par Hipparcos, à l’aide d’un tavélographe (MIRAS DOUBLES)
  • test d’optique adaptative.

Tirs sur la Lune

La station Laser Lune utilise un laser et un télescope. L’impulsion laser est datée au départ. Une partie de cette impulsion captée par le télescope est datée au retour. La différence des deux dates donne le temps mis par la lumière pour faire l’aller-retour et, connaissant la vitesse de la lumière (constante physique), on peut en déduire la distance.
Il faut, bien entendu, tenir compte de beaucoup d’autres phénomènes complexes tels que, le changement de la vitesse de la lumière selon l’altitude et les diverses couches d’air, l’allongement du trajet du photon à cause de la Gravitation due au Soleil et aux planètes les plus massives, les marées terrestres et lunaires qui font varier les distances, d’une part entre le télescope et le centre de la Terre, et d’autre part entre le coin de cube sur la Lune et le centre de la Lune, etc… en tout une bonne trentaine de paramètres différents.
Depuis le milieu de 1995, la station fonctionne en mode millimétrique avec une précision interne de l’ordre de 3 mm sur un point d’observation correspondant à environ une centaine d’échos recueillis pendant une durée de dix minutes. Il s’agit là d’une évaluation interne du bruit résiduel lors de la construction du point normal, et non de l’exactitude de la distance dans le vide, mesure qui dépend, entre autres, de divers calibrages et de l’évaluation de la réfraction.

Sur la Lune (cible la plus lointaine actuellement, à environ 384 000 km), ont été placés 5 panneaux de rétro-réflecteurs aux cours des différentes missions lunaires (dont Apollo et les missions automatiques soviétiques).

Plusieurs stations laser ont acquis des mesures sur la Lune depuis les années 70, notamment MacDonald aux EU et Grasse.
Exemple de Points Normaux acquis sur la Lune entre 2003 et 2006 par la station MeO

La station est également très active pour l’observation des cibles élevées comme les satellites GNSS :

Répartition des tirs laser sur cibles élevées par Station
Répartition des tirs laser sur cibles élevées par Station
Exemple d'un réflecteur laser Lune, embarqué sur le Rover soviétique Lunakhod-1
Exemple d’un réflecteur laser Lune, embarqué sur le Rover soviétique Lunakhod-1

Doris

Le système DORIS (Doppler Orbitography and Radiopositionning Integrated by Satellite)est un système civil français d’orbitographie et de localisation précise. Ce système fonctionne sur le principe de l’ effetDoppler-Fizeauentre un réseau de stations terrestres émettrices (balises bifréquences à 401.25 et 2036.25 MHz) et des instruments (antenne, récepteur radio et oscillateur ultra-stable à 2 10-13 sur 10s) à bord de différents satellites (SPOT n, TOPEX/Poseidon, Jason-n…). Une description détaillée du système DORIS dans ses aspects principe, technologie, satellites concernés, réseau de stations… est à trouver sur le site Web Aviso : http://www.aviso.oceanobs.com/fr/doris/index.html .

Les applications principales concernent d’une part l’orbitographie précise des satellites, en particulier altimétriques (Jason, ENVISAT, CRYOSAT) mais aussi des satellites d’imagerie SPOT, et d’autre part des applications scientifiques dans les domaines de la localisation précise de stations terrestres (système de référence terrestre) et de la détermination des paramètres de rotation de la Terre (coordonnées du pôle, temps universel)

Les aspects scientifiques du système DORIS sont coordonnés par l’IDS (International Doris Service, http://ids.cls.fr/ ), en particulier la participation de DORIS à la définition du système de référence terrestre (ITRS, International Terrestrial Reference System) au travers de ses différentes réalisations (voir le site de l’ITRF, International Terrestrial Reference Frame : http://itrf.ensg.ign.fr/ ).

Le GRGS comprend 2 centres d’analyse qui traitent les données DORIS à cette fin :

Les séries temporelles des 2 centres sont accessibles sur le site web de l’IDS à : http://ids.cls.fr/html/doris/ids-station-series.php3 , et l’ensemble des produits générés par les 2 centres pour l’IDS sont disponibles sur les Centres de Données de l’IGN ( ftp://doris.ensg.ign.fr/pub/doris/ ) et du CDDIS ( ftp://cddis.gsfc.nasa.gov/pub/doris/ ).

GNSS

Les Systèmes Globaux de Navigation par Satellite (GNSS) apportent une contribution de plus en plus essentielle et de plus en plus large aux disciplines des sciences de la terre. Dans ce contexte, la contribution nationale et internationale du GRGS se décline autour de 3 points :

1. Services Internationaux: L’objectif est de participer à l’International GNSS Service (IGS) en tant que Centre d’Analyse (CA) en fournissant des produits d’orbites et d’horloges des satellites de la constellation GPS ainsi que les fichiers SINEX contenant les coordonnées des stations et les paramètres d’orientation de la Terre. Ce CA est effectué en partenariat avec CLS (voir : http://igsac-cnes.cls.fr ). L’IGS combine les solutions des différents CA et met le produit final à la disposition de la communauté internationale des utilisateurs. Les équations normales produites par le GRGS sont aussi transmises à l’Observatoire de Paris pour combinaison dans le cadre du Working Group COL (Combination at the Observation Level) de l’IERS.

2. Coopérations avec des équipes scientifiques: Le GRGS apporte son soutien à des projets scientifiques mettant en œuvre des données de campagnes GNSS au travers de collaborations avec d’autres laboratoires et en proposant le logiciel GINS à ces utilisateurs. Ainsi, ce logiciel est exploité pour le traitement de données GPS par de nombreuses équipes pour des applications aussi variées que l’étude de la cinématique terrestre, la surveillance de l’écoulement d’un glacier, la calibration/validation d’altimètres spatiaux ou l’étude des effets de charge crustale.

3. Hybridation des GNSS: le programme européen Galileo présente un intérêt certain pour les géosciences en particulier dans la configuration d’une hybridation avec GPS et/ou Glonass. Afin de se préparer au déploiement prochain de Galileo , le GRGS développe et valide les capacités multi-GNSS de GINS en traitant les données hybrides GPS-GLONASS. L’objectif est de fournir prochainement des produits Glonass à l’IGS.

Ces activités GNSS du GRGS s’intègrent dans le cadre de l’expérience CNES : « outils et traitements des données GNSS pour les géosciences ».

Apport des mesures GNSS à la dynamique de l’atmosphère et à la montée du niveau des mers:

Les techniques GNSS permettent d’estimer ponctuellement le contenu en vapeur d’eau au voisinage des stations de mesure. Elles permettent de plus d’étudier les variations temporelles du contenu en vapeur à haute fréquence ; elles contribuent donc aux études météorologiques. Une étude de la mousson est par exemple en cours en Afrique de l’Ouest dans le cadre du projet AMMA. Inversement, cette estimation est nécessaire à la correction des mesures en provenance des satellites affectée par la traversée de la troposphère. Des travaux sont en cours pour améliorer les estimations des retards troposphériques et ainsi mieux estimer les autres produits géodésiques, notamment le positionnement vertical. Un des enjeux majeurs du projet TIGA, auquel le LAREG contribue, consiste à déterminer par GPS les vitesses verticales aux abords des marégraphes, et ainsi fournir une estimation plus robuste de la montée du niveau des mers.

Comparaison de la cohérence des produits d’orbite et d’horloges fournis à l’IGS par les différents CA dont le GRGS (grg). Les écarts RMS sur les 3 composantes North-East-Up de la solution PPP de 36 stations sont représentés (GPS Week 1516) / a Guide to Using International GNSS Service (IGS) Products, Jan Kouba, Geodetic Survey Division, Natural Resources Canada, May 2009

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